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Louis Dalle: l'évêque des indiens du pérou

In "Horizons Blancs" n° 164

Né à Finieyrols (Lozère) le 27 avril 1922. De Joseph Dalle et Rosalie Périer. Une famille de 15 enfants dont 3 prêtres, 2 frères religieux et 2 religieuses. Enfant, il est berger sur les montagnes de l’Aubrac.

A 12 ans, il entre au Petit Séminaire des Sacrés-Cœurs de Graves, à Villefranche de Rouergue. Noviciat à Montgeron (Essonne) où il fait sa profession le 8 septembre 1939.
Philosophie et théologie à Châteaudun, interrompues par la seconde guerre mondiale. STO en Allemagne. Interné durant dix mois à Buchenwald. Libéré par les forces alliées, son attitude héroïque lui a valu d’être décoré de la Légion d’Honneur par le gouvernement Français à Ayaviri en 1981.
Libéré, il rejoint Châteaudun où il fait sa profession perpétuelle le 8 décembre 1945 et y est ordonné prêtre le 21 juillet 1946.

En novembre 1847, il reçoit son obédience pour le Pérou. Il y arrive le 14 février. Professeur à la recolleta, vicaire à Puente Piedra, Curé de Santa Rosa de Quives. Supérieur provincial du Pérou le 29 décembre 1961. Il fonde l’Institut de Pastorale Andine en 1961 et en est le premier directeur exécutif, à Cuzco en 1968.

Le 30 octobre 1971, Luis Dalle est nommé Prélat d’Ayaviri, une prélature de quelques 200.000 âmes, sur l’Altiplano péruvien. Il y est intronisé le 19 décembre 1971 par Mgr. Rodriguez, archevêque de Arequipa.

Victime d’un accident de car, sur la Panaméricaine-sud, à une centaine de Km de Arequipa, le 9 mai 1982. Ses obsèques se déroulent le 14 mai, en sa cathédrale, où il repose, en attendant la résurrection glorieuse.

témoignages

Don Sabino, un vieux catéchiste de la Prélature de Ayaviri, sur les sommets des Andes péruviennes, tout en mâchant sa feuille de coca, nous parle de Lucho (surnom affectueux donné à Mgr Louis dalle) exhortant ses Runas (paysans) au cours d'une homélie en la cathédrale de Ayaviri : "Frères et Soeurs, Dieu le Père nous aime tous sans exception, mais il ne veut pas que tes pauvres se laissent fouler aux pieds. C'est pourquoi, Runas, il faut vous réveiller. Mettez-vous debout, tous !" proclamait-il en quechua. Des étincelles semblaient jaillir de ses yeux. Sa voix puissante retentissait jusqu'au fond de la cathédrale. Ses grands bras et ses larges mains semblaient nous soulever avec force...

A la fin de la messe, les Runas avaient l'air heureux : "Nous avons tous ressenti la même surprise, éprouvé ta même inquiétude et nourri ta même espérance. Enfin Dieu nous avait parlé en quechua". Et il en était ainsi chaque fois que Lucho intervenait. Pourquoi donc avait-il réussi à les atteindre en profondeur ?

C'était le résultat d'une formation exigeante. Il avait appris le quechua (langue des Indiens de Ayaviri) avec sa ténacité habituelle. Il s'était efforcé de visiter beaucoup de villages pour y observer la vie des Indiens, les écouter, étudier la culture andine et la religion des Runas. C'est seulement de cette façon qu'il avait réussi à les rejoindre réellement. « Nous avons aussi découvert en lui un nouvel esprit d'évangélisation. Il venait témoigner de sa Foi. Il ne l'imposait pas. Il ne venait pas nous conquérir, nous séduire, avec un programme de salut bien planifié, programmé, chronométré, il venait dialoguer avec nous, convaincu qu'il était de la réalité de notre foi dans le même Dieu, malgré la différence de son expression. Il avait beaucoup à nous apprendre, c'est vrai, mais il avait aussi beaucoup à apprendre de nous. Il ne se contentait pas d'accueillir nos croyances et nos vies, en vue de les défendre. Il faisait en sorte que nous puissions nous-mêmes exprimer ce que nous vivions, et que nous, n'ayons pas peur de te partager, parce que cela en valait ta peine...

Lucho, qui avait une grande force de caractère, se mettait en colère quand il trouvait un paysan lâche, traître ou arriviste. Il était tout heureux quand ils avaient de l'audace. « Ecoute, tu n'as pas honte de te faire avoir, Runa ? Redresse-toi ! Crie ! Défends ta vie ! »
II devint ainsi le porte-parole des indiens qui l'invitaient dans leurs communautés pour qu'il les aide à résoudre leurs problèmes et les rassurer. "Nous voulons être des hommes debout" telle était la phrase écrite sur une banderole qui flottait au vent, tenue par des paysans de Carabaya.

"Faire mémoire de Lucho, c'est raconter la merveilleuse action salvatrice de Dieu, incarnée dans l'histoire des combats et des souffrances des Runas du Pérou andin. Une action qui s'est déroulée dans les Provinces de Melgar, Carabaya et Sandia, entre mars 1976 et mai 1982... Finalement, couvrir d'éloges Lucho serait le trahir. Ce serait le placer sur un autel et nous libérer ainsi de la responsabilité de continuer sa mission..."

Témoignages recueillis par Hitario Huanca ss.cc.

Louis Dalle m'emmène visiter les ruines de Sacsahuaman, sur le sommet des Andes péruviennes. Le prêtre porte la coiffure si caractéristique des Indiens d'Ayaviri : une sorte de bonnet phrygien qui protège du froid vif des hauts-plateaux. II est revêtu d'un poncho en laine brune de lama. Je note avec passion tout ce que cet homme, enraciné sur cette région, veut bien me faire partager J'ai apprécié cette prière - païenne - qu'il m'a récitée :

"Créateur ! Regarde-nous.
Nous avons travaillé cette terre.
Favorise-nous avec la pluie du soleil d'or.
Favorise-nous avec la pluie de la lune d'argent.
Nous avons peiné dans le vent froid
Pour obtenir les ressources du sol.
Terre Mère qui nourrit tout homme,
Donne une grande production
Pour tous les travailleurs,
Pour que vole plus haut la tourterelle
Et que le ver de terre laboure le sol."

II me parle aussi de lui, de son enfance de berger en Lozère, de sa détention en camp de concentration. Il est difficile d'imaginer autant de vitalité, de curiosité, de faculté d'indignation et d'enthousiasme. II incarne pour moi la démarche du missionnaire du XXIème siècle : ne pas avoir pour premier réflexe de suspecter, mais, au contraire, d'épouser jusqu'aux extrêmes limites la culture du peuple dans lequel il est envoyé.
"Louis Dalle ne voit chez les Indiens que leurs vertus. Même leurs défauts sont des qualités à ses yeux. C'est une idée fixe." Tels étaient les propos que me tenait un prêtre. Ce même prêtre qui allait avoir pour évêque le Père Louis Dalle qu'il venait de critiquer...

Témoignage d'un visiteur, à Ayaviri.

J’atteste la vaillance d'un homme qui n'a jamais reculé pour défendre les paysans indiens... J'atteste l'honnêteté d'un homme qui savait toujours donner son opinion sans respect humain et qui mettait en oeuvre ce qu'il pensait et voulait... J'atteste la sensibilité d'un homme mûri, qui appréciait et pénétrait la pensée et la façon de vivre des campesinos, au-delà de la curiosité et qui aimait partager ses découvertes... J'atteste l'affection que lui portaient les gens simples de l'Altiplano... J'atteste aussi la rage de beaucoup de « mistis » devant sa conduite, la répulsion de beaucoup de riches devant son action, la gêne des llaqtas taytas en entendant ses paroles... J'atteste que comme le Christ, il voulait que son peuple ait la vie et qu'il l'ait en abondance... Et sa mort s'élève en protestation pour tous ceux qui perdent la vie injustement.

Une Religieuse Andine

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