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La Transfiguration
Cette scène de la transfiguration est au centre de l’Evangile de Marc, une des plus importantes du Nouveau Testament. Dans la liturgie orthodoxe, elle tient une place de premier rang.
Et il fut transfiguré devant eux…, littéralement, "métamorphosé," comme transparent, laissant entrevoir en lui un bref instant la plénitude de la présence de Dieu.
Et ses vêtements devinrent éblouissants…" En ce moment lumineux, ce que les disciples voient de Jésus c’est à la fois sa figure, sa corporéité, mais en même temps ce n’est plus sa figure, mais l’engendrement d’une autre figure qui dit sa réalité la plus profonde, la plus intérieure, la plus divine.
On comprend aisément que Pierre, en cet instant, soit bouleversé, face à une telle réalité capable de faire trembler l’homme jusqu’au plus profond de lui-même, tant cette mise en présence de Dieu, lorsqu’il reconnaît la grandeur de celui qui l’approche, ne peut que troubler celui qui prend conscience de sa pauvreté, de sa petitesse!
Et à cet instant, bouleversant pour les disciples, que Jésus nous révèle-t-il de lui-même? Et par delà Jésus, Dieu lui-même?
Et bien, qu’en lui, au plus intime de son existence charnelle, est présente une autre réalité, mystérieusement mais réellement à la mesure même de Dieu son Père, et en même temps nous est révélé tout l’amour que Dieu nous porte par et en son Fils. En effet, à la transfiguration, il nous est manifesté qu’en Jésus, Dieu s’est fait chair, dans une chair semblable à la nôtre: Celui-ci est mon Fils bien-aimé.
A la transfiguration, Jésus est confirmé à nos yeux comme celui qui, en Dieu, se donne à nous. Et voici que par lui, en lui, par le signe de cette transfiguration, préfiguration de la nôtre comme de la sienne définitive au matin de Pâques, nous serons enfantés à la vraie vie, celle qui nous sera acquise au prix de sa mort pour sa résurrection.
Voilà ce que nous avons à découvrir en contemplant la transfiguration de Jésus, à la fois révélatrice de l’ineffable identité de Jésus et en même temps révélatrice de ce qu’il adviendra de nous si nous nous mettons à la fois à son écoute et à sa suite.
Une nuée survint alors qui les prit sous son ombre, et de la nuée se fit entendre une voix: Celui-ci est mon Fils bien aimé, écoutez-le! Une nuée présente comme dans la rencontre entre Dieu de Moïse au Sinaï (Ex 19), ou guidant le peuple choisi vers la terre promise (Ex 13) ou comme Marie enveloppée de son ombre au jour de l’annonce (Lc 1,35), symbole de l’Esprit Saint.
Et de cette nuée, signe de la mystérieuse présence de Dieu, la voix du Père, comme au jour du baptême au bord du Jourdain, se fait entendre: Celui-ci est mon Fils bien aimé, mais non plus comme au baptême: "en qui j’ai mis toute ma faveur (Mc 1,11), mais: Ecoutez-le!
Ecoutez-le! Or que nous dit le Seigneur?
Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. En effet, qui veut sauver sa vie, l’a perdra; mais qui perd sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera. (Mc 8,34-35).
Perdre sa croix, livrer sa vie… N’est-ce pas l’itinéraire que Jésus lui-même va suivre, alors qu’il est en chemin vers Jérusalem, pour vivre l’exode dont il parle avec Moïse et Elie (Lc 9,31); c’est à dire sa sortie de notre monde selon la chair.
Et de même que Jésus va livrer sa vie, dans l’abandon total à la volonté de son Père pour surgir, vivant, ressuscité au matin de Pâques, de même, pour chacun, chacune de nous, si nous acceptons de perdre notre vie au lieu de vouloir à tout prix la retenir à soi, nous la sauvons… La sauver en acceptant de la recevoir uniquement de Dieu, comme une vie qui n’est plus à soi-même, ni de soi-même, une vie non plus à notre mesure, mais à la mesure même de Dieu.
En ce sens, écoutons ce qui nous dit l’Apôtre Paul dans sa lettre aux Philippiens: "Il s’agit de le connaître, lui, et la puissance de sa résurrection, et la communion à ses souffrances, de devenir semblable à lui dans sa mort, afin de parvenir, s’il est possible, à la résurrection d’entre les morts… car notre cité, à nous est dans les cieux, d’où nous attendons, comme sauveur, le Seigneur Jésus-Christ, qui transfigurera notre corps humilié pour le rendre semblable à son corps de gloire, avec la force qui le rend capable aussi de tout soumettre à son pouvoir" (Ph 3, 10-11, 20-21).
Ainsi donc, la transfiguration du Christ, susceptible de conforter le Christ dans sa marche vers Jérusalem, devient la promesse, les prémices d’une transfiguration de notre existence à tous.
Et si nous acceptons de porter la croix de la confiante fidélité, envers et contre tout, bref, si nous acceptons de perdre notre vie, de nous dessaisir de nous-mêmes pour marcher à sa suite, alors nous sera communiquée ce qui fait l’identité profonde de Jésus, le Christ, et qu’il veut nous donner en partage, cette vie en Christ qui fera de nous de véritables fils et filles de Dieu.
"Mes bien-aimés, dès à présent nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous savons que lorsqu’il paraîtra, nous lui serons semblables parce que nous le verrons tel qu’il est. Et quiconque fonde sur lui une telle espérance se rend pur comme lui est pur" (1 Jn 3,2-3).
Certes cette plénitude en Dieu de nos existences n’est pas encore visible à nos yeux de chair, ne nous apparaît pas encore clairement, si ce n’est dans un nécessaire et parfois troublé acte de foi.
Et si, pour avancer sur ce chemin de foi, nous nous tournions vers Marie ?
N’est-elle pas la préfiguration, l’anticipation de ce qu’il adviendra pour nous tous, au jour de la rencontre avec notre Dieu et Père? N’est-elle pas, par son assomption, déjà dans la plénitude de présence en Dieu?… Et ceci grâce à son vécu dans la foi au quotidien.
De l’Annonciation à la Pentecôte, elle n’a cessé d’être à l’écoute de la parole de Dieu, que, humblement, elle méditait dans son cœur; et de son "oui" à la Parole de l’Ange jusqu’au pied de la croix, elle a tenu ferme, debout dans la foi.
Et l’Esprit Saint qui la couvrait de son ombre au jour de l’annonce s’est répandu sur elle comme sur les disciples au jour de la naissance de l’Eglise, au matin de Pentecôte.
Alors, puisque, en Marie – entièrement confiante et fidèle en toutes circonstances, quelles soient heureuses ou crucifiantes – s’est accomplie ce que le Christ nous laisse entrevoir de notre avenir au jour de sa transfiguration, avec confiance, tournons-nous vers elle pour qu’elle soit notre soutien, notre compagne sur nos chemins de foi… car eux seuls sont chemin vers Dieu.
Père André Lerenard ss.cc, Extrait de la conférence donnée le 4 novembre 2007 à Picpus lors des "Heures Mariales de Picpus".
® Illustration: peinture de Berna Lopez. www.evangile-et-peinture.org
Jour de Noël: Et le Verbe s'est fait chair...
Le jour de Noël, l'Eglise nous propose de proclamer et de méditer sur le prologue de Saint Jean: "Et le verbe s'est fait chair..." (Jn 1,1-18) après avoir lu, la veille au soir, l'évangile de la nativité "Vous trouverez un nouveau-né emmailloté dans une mangeoire".... Par là, l'Eglise a voulu distinguer deux aspects de la naissance de Jésus bien qu'ils se rapportent au même événement; l'un nous invite à entrer plus en profondeur dans le mystère de Dieu, l'autre accentue davantage la dimension humaine.
Les commentaires bibliques où les auteurs scrutent et étudient ces versets ne suffiraient pas à remplir nos bibliothèques tant ils sont nombreux. Et pourtant, nous pourrions simplement les résumer par cette phrase exclamative: "A Noël, Dieu se donne lui-même!".
Biblistes et théologiens auraient ici des raisons de me reprendre: "Dieu se donne lui-même, oui, mais pas qu'à Noël!". Dieu se donne lui-même en son fils, Jésus, non seulement à Noël, mais durant toute sa vie passée sur la terre. II se donne aussi sur la croix! Très justement. C'est parce que le Christ n'est pas passé à côté de sa mort que cela rend crédible notre fameux "Verbum caro". En effet, la parole de Jésus est une parole qui prend chair. C'est une parole incarnée. II y a là une différence fondamentale avec les prophètes de l'Ancienne Alliance où il y avait une distance, une distinction, entre la chair et la parole. Jésus, dans son existence "dépassera" les prophètes. II le fera en refondant ce qu'Israël avait initié dans une attitude de pauvreté et d'abandon (cf. l'hymne aux Philippiens 2). J'en conviens, il n'est pas facile de comprendre en raison et de faire acte de foi que Dieu se donne lui-même, par Jésus, en son Esprit. C'est incompréhensible pour les uns ou inouï pour d'autres. C'est un mystère que nous ne pouvons pas prétendre connaître et savoir entièrement. Humblement, chaque homme est libre de répondre à ce don, de reconnaître ce que Dieu nous a offert un jour du temps et qu'il continue de nous offrir. La folie de la foi nous engage et nous pousse dans cette aventure: affirmer que Dieu se donne et le recevoir encore aujourd'hui, car il a habité et il continue d'habiter parmi nous. A Noël, nous redisons combien Dieu à rejoint notre humanité et s'est fait solidaire des hommes.
Le prologue de l'évangile selon Saint Jean éclaire donc d'une manière particulière le mystère de la naissance du Sauveur. Tout en étant complémentaire de Luc, il nous évite pourtant de ne pas nous laisser éblouir par l'éclat de la figure du nouveau-né emmailloté (Lc 2,1-14). En effet, il y a quelque part dans le récit de Luc, une invitation: celle de se pencher, de se tourner, de contempler le nouveau-né... Nous savons combien chaque nouveau-né attire notre attention quand nous le voyons avec sa mère à la maternité, ou dans son berceau.
Le Christ se donne à voir au matin de Noël. II est pauvre et abandonné. Pauvre, car son berceau est une mangeoire. Abandonné, car il n'y a plus de place dans l'auberge. Notons au passage que nous retrouvons ici aussi la pauvreté et l'abandon de Jésus présents chez Jean: Noël est la fête des pauvres et des abandonnés non par excellence, mais par surcroît.
Le nouveau-né se donne à voir mais rayonne aussi comme chaque nouveau né. II nous éclaire. Le Fils se donne à voir dans tout son éclat. Jésus n'est pas une simple apparence qui rayonne. Ce nouveau-né, comme le dit le texte lucanien est le Sauveur. "II est le Messie, le Seigneur". Ainsi sommes-nous invités, ici aussi, non pas à nous arrêter devant le berceau, mais à un véritable parcours de reconnaissance de la figure de Jésus-Christ avec son éclat et sa profondeur. En reprenant ces deux textes, le prologue de Jean après avoir lu le récit de la nativité chez Luc, cela nous laisse le sentiment d'une progression à laquelle nous sommes conviés, allant de l'explicite vers l'implicite, de l'extériorité vers l'intériorité, de la mesure vers la démesure, de l'exprimable vers l'inexprimable.
Frère Eric Hernout ss.cc
® Illustration: peinture de Berna Lopez. www.evangile-et-peinture.org
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