Accédez à la médiathèque de FIGURES PICPUCIENNES
Credo de la Paix et de la Non-Violence
Esteban Gumucio ss.cc
Nous croyons en toi, Père, qui porte l’homme depuis toujours dans ton cœur. Tu as déposé au plus intime de l’homme le désir de grandir en fraternité.
Nous croyons que tu es "Dieu de Vie". En toi, il n’y a pas de violence. Bonté et patience sont ta sagesse.
Nous croyons en toi, Père, Dieu de notre jeunesse, créateur de la paix, libérateur du monde entier.
Ta paix invite tous les peuples, du Nord au Sud, de l’Orient à l’Occident, à se réunir en tes bras.
Nous croyons en ta paix, fruit de la justice. Nous croyons en ta puissance agissante pour la paix.
Nous croyons que ton dessein pour nous est l’Espérance; et que tu veux que nous vivions libre. Tu libères les peuples de ceux qui les tiennent en esclavage.
Nous croyons en Jésus Christ, notre frère et notre Seigneur. Il a payé en son corps le prix de la Paix: le vin doux et humble. Et le chant de sa naissance fut un cantique de Paix : "Gloire à Dieu au plus haut du ciel, Paix aux hommes de bonne volonté".
Nous croyons en ta vérité qui défait les plans des orgueilleux, et met à mal la sécurité conquérante.
Sa paix fut la Pâque, victoire pour toujours. Nous croyons que, en son sang versé, Dieu offre la paix à l’univers entier.
Nous croyons qu’en marchant à sa suite, nous seront des hommes vrais, et que la paix du Christ dirigera nos cœurs.
Nous croyons que sa paix est capable de traverser toutes tribulations et de vaincre toutes violences. En elle, il nous a légué tout son héritage.
Nous croyons en l’Esprit Saint, feu de béatitudes, qui fait de nous des artisans de paix.
Nous croyons qu’il est notre grand défenseur.
Nous croyons que dans l’espérance du jour du Seigneur, nous, dans l’Église, pouvons dépasser les divisions de races, de classes, de cultures et de cœurs.
Nous croyons qu’il maudit ce qui demeure dans les ténèbres. Nous croyons que l’amour est notre unique règle. Nous croyons qu’être fidèle à Jésus nous permet, par sa croix, d’aller jusqu’au pardon des ennemis. Nous croyons que le temps de Caïn est terminé, et que de tous les hommes naissent pour être amis.
Nous croyons que l’Esprit de Jésus, peut entrer en notre propre esprit et faire sortir de nous l’esprit du mensonge et de la vengeance.
Nous croyons que l’œuvre de l’Esprit est là quand un pas est fait pour changer le rejet par l’amour, le manque de confiance par la compréhension, l’indifférence par la solidarité.
Nous croyons que notre condition de Fils de Dieu nous incite à dire NON à tous ceux qui nient les droits de l’homme: la misère extrême et la torture, l’armement et la guerre, la marginalisation et l’exil, l’interdiction de penser et le terrorisme.
Nous croyons que les doux, et seulement eux, transformeront et possèderont la terre, notre terre.
"Souviens-toi, Dieu de Miséricorde, de tous nos frères qui vivent affligés, qui souffrent et meurent, afin que naisse un monde plus fraternelle. Vienne ton Règne de Justice et d’Amour, pour les hommes de toutes langues et races, et que la terre se remplisse de ta gloire".
Amen!
Le Chemin de Croix du Pauvre, un Chemin de Croix du Père Esteban Gumucio
PREMIÈRE STATION, Jésus est condamné à mort
Le Pauvre se trouvait en face de tous les pilates. Les pilates lui demandèrent: "C’est quoi la pauvreté?" Le Pauvre ne sut pas la définir. Il avait des mains de pauvre, un silence de pauvre, et un regard de pauvre, le même depuis des siècles, innocent et endolori par la faim. Les pilates se lavèrent les mains. L’eau dans le lavabo des pilates se changeait en or ("en or menacé", disaient-ils...). "Il faut sauver notre or!" criaient les courtisans... "Si tu ne condamnes pas le Pauvre, tu n’es pas un ami de César." Les pilates appelèrent leur ministre des finances. "C'est bien, dit le ministre, crucifiez-le pour que le dollar ne baisse pas... Et vous, enrichissez-vous!".
DEUXIÈME STATION Jésus est chargé de sa croix
Depuis le jour de sa naissance, la Croix était préparée. Pourtant, quand le Pauvre naquit, son père, qui était pauvre lui-aussi, avait dit: "Pour élever cet autre enfant, Dieu ne nous manquera jamais." Dieu ne manqua pas, et, jamais ne manquera; mais en revanche, le toit, le pain et les vêtements, oui. La mère porta la croix à l’hôpital très souvent. Elle s'y rendait enveloppée de l’unique couverture. Elle y allait avec la croix dans le ventre gonflé pour chercher la caisse de lait bon marché qu’ils lui donnaient une fois par mois... Et la croix était écrite sur plusieurs papiers et certificats qui accompagnaient les longues attentes des pauvres lorsque la vie va naître... L’enfant naquit. Dans la ruelle, sa croix se joignait avec tant d’autres croix que cela ressemblait à un cimetière d’enfants. Alors, l’enfant grandit comme il put, jusqu’au jour où il eut la force de la lever et de la charger sur ses épaules.
TROISIÈME STATION Jésus tombe pour la première fois
Le Pauvre tomba sous le poids de la croix. Ils le poussaient pour qu'il tombe. Lui ne voulait pas tomber. Ils l’obligeaient à charger la croix. Lui, ne voyait pas pourquoi il devait la porter. Alors ils dirent de lui qu’il était subversif et séditieux. Ils criaient: "Aux Pauvres, ils leurs conviennent d’être pauvres!... L’ordre est ainsi. Baissons-les leurs salaires! Etablissons un salaire minimum qui ne leurs permette pas de vivre. Alors, ils devront charger la croix même s’ils n’aiment pas cela, et devront la porter péniblement... C’est comme ça la loi de l’offre et de la demande…!" Dieu n’a pas voulu que le Pauvre soit pauvre. Lui, n’était-il pas dans le plan du Dieu de la vie... Mais, le Pauvre dut prendre sa croix pour avoir le droit de marcher, même s'il fût à moitié crucifié.
QUATRIÈME STATION La Mère rencontre son Fils
La douleur de la mère est grande comme un océan. Elle gardait en son coeur toutes les illusions: comment le fils pourrait-il être mieux qu’eux... "Quand Dieu tarde, c’est qu’il vient ensuite, fils. La justice des hommes faillira, mais pas la justice de Dieu". La mère du pauvre croit en la force de la vérité. Elle sait qu’un jour ces croix deviendront flambeaux. Pendant ce temps, le Pauvre marchait dans les rues avec beaucoup d’autres innombrables, pauvres comme lui. Dieu les regardait en silence. Eux, ils le regardaient en silence... Et, des deux côtés de la Via Crucis, naissait du silence une rumeur qui allait se convertir en cri. La rumeur et le cri de tant de croix deviendront tempête. Le cri souffrant des peuples brisera la clef de voûte des puissants... Entre-temps, le Pauvre marchait, sous les yeux de sa mère. Il marchait avec sa croix de plusieurs siècles.
CINQUIÈME STATION Le Cyrénéen aide à porter la croix
Au Cyrénéen, il lui en coûte de regarder et de croire qu’il existe de la misère et que la misère est terrible. Au Cyrénéen, le cœur ne lui manque pas. Il lui manque de l’audace pour ouvrir ses yeux. Maintenant, il les a ouverts. Tout d’abord, il quitte sa tunique. Il a honte de ne pas avoir vu son frère. Après, il apprend à reconnaître que ses épaules sont pareilles à celles de l’homme tombé... Le Cyrénéen s’inclina (il n’était pas habitué à le faire) et prit la part du bois qui lui correspondait. Depuis lors, son pain et son porte-monnaie se sont transformés en participations, en solidarités, en partages, en fraternités. Le Cyrénéen partit chercher son cousin Zachée pour apprendre de lui comment rendre le "volé" et partager ce qu'il a en propre.
SIXIÈME STATION Les Saintes Femmes essuient son visage
Madame Véronique parcourut toutes les prisons et les commissariats, cherchant son fils. Ils lui répondaient qu’il avait disparu. Madame Véronique, avec d’autres femmes, alla demander au gouverneur Ponce Pilates qu’il les laisse voir le visage de leurs fils ou celui de leurs maris. Mais, les corps n’étaient pas au Palais du Prétoire, ni à l’institut médico-légal. Ils n’étaient pas non plus à la police scientifique, ni au Centre National d’Intelligence. Elles continuèrent de chercher les croix du Nord au Sud, parcourant le désert avec l’espérance de rencontrer leurs os. Madame Véronique disait: "Je ne souhaite qu’aucune mère souffre ce que j’ai souffert..." Comme toujours, au moment d’arriver dans sa maison, avec ses pieds enflés par tant de trottoirs et de bus, elle contemplait avec des baisers et des pleurs le visage torturé de son fils qui se laissait deviner sur la photographie quand il fit sa Première Communion.
SEPTIÈME STATION Deuxième chute
La deuxième chute vient en hiver, quand les fils du chômeur tombent à cause de la grippe et de la dénutrition. L’argent, que l’on obtient grâce à la vente des fourchettes inutiles, il faut le dépenser pour acheter la pénicilline et ces pilules roses que l’on donnait avant dans les centres médicaux. Le docteur dit que l’enfant aurait dû suivre un régime de sur-alimentation afin que la tuberculose ne l’atteigne pas... "Et comment, dis-je?" Lui et elle marchent avec courage dans la glaise, secouant les grosses gouttes de pluie, pour obtenir un demi-litre de paraffine. A la sortie du Temple de Jérusalem, les pharisiens disaient: "Ils ne travaillent pas, de purs fainéants! Crucifiez-les!"
HUITIÈME STATION Pleurez sur vos péchés)
Les dames furent surprises quand Il les appela "Filles de Jérusalem". Elles marchaient chargées de douleurs et d’espérances, avec la force de leur défi devant l’adversité. Pour pleurer, il faut le faire en cachette, c’est mieux, et s’essuyer les larmes avec un bout de blouse… afin que les enfants ne les voient pas... Et, il faut sortir chercher un petit travail pour la journée, ni logées, ni nourries, ou pour faire un peu de couture, comme celle que l’on demande de faire à la maison pour 110 ou 200 pesos tout au plus, juste pour la dépense des yeux. Elles vivent et prennent compassion de Jésus-Christ, compatissant avec lui, sur ce long chemin de pauvreté emprunté tous les jours. Mais, les femmes vont ensembles et traversent, sereines, les files de soldats.
NEUVIÈME STATION Troisième chute
Il paraîtrait que le Seigneur voudrait l'écraser avec la souffrance. L’homme pauvre est encerclé de tous côtés, et n'a pas de sortie. Pour qu’il puisse posséder une maison, ils lui ont mis des chaînes de trente ou vingt ans de délais et de contrats avec la compagnie d’électricité pour avoir la lumière électrique et la payer par échéances. Ils menacent le pauvre de confiscations et de saisies s’il ne pas paie pas ses échéances alignées sur l’inflation. Il faut qu’il tombe pour la troisième fois. Il continuera de tomber jusqu’à la dixième ou vingtième génération, jusqu’à ce que le plus jeune de ses petits-enfants ait payé la dernière échéance au Service National du Logement à la sueur de son front et celle du plus jeune de ses arrières petits-enfants jusqu’à ce qu’ils voient des jours meilleurs.
DIXIÈME STATION Jésus est dépouillé de ses vêtements
Il y a des pauvres appauvris qui changent de linceul plusieurs fois dans la vie. Il y a des pauvres nus de tout droit. Ils se répartissent ses vêtements discrètement sous la protection des lois. Dépourvus de toute justice, ils sont là, nus, à la porte du Palais des Tribunaux. Il n’y a même pas une lueur d'espoir légale pour couvrir leurs hontes. Un agent du Centre National d’Intelligence les interrogea; mais il n’existe pas de torture tant que son existence à elle n'est pas prouvée devant la loi. Le Pauvre était nu, quand, cloué aux poignets, il s’évanouit de douleur. "La confession du torturé est une preuve suffisante pour le crucifier juridiquement", dit un Juge de la Cour. Maintenant, le Pauvre sort nu. Il porte comme pagne une sentence d'accusation, sans recourt de protection, sans appel. L’homme mis à nu marche entre deux files de juges vers le sommet du mont Calvaire. Les juges firent mettre un écriteau en haut de toutes les croix injustes: "La Justice est passée par ici".
ONZIÈME STATION Jésus est cloué sur la croix
C’est si simple de crucifier le Pauvre. Dis-lui que tu ne peux pas le payer plus; qu’il y en a beaucoup d’autres qui souhaiteraient pouvoir travailler. Dis-lui qu’il revienne un autre jour. Dis-lui que la nation a besoin du sacrifice des pauvres pour que l’économie nationale des riches garde sa stabilité. Dis-lui: Qu’est-ce qu’il a cru? Il ne manquerait plus que ça! Les choses ne peuvent pas être meilleures!... Dis-lui que l’important c’est le marché libre, et que, après, quand le vase du riche sera rempli, il débordera en abondance sur les pauvres. Dis-lui d'attendre! C’est aussi simple que de clouer une poutre horizontale sur une autre verticale. Mais notre Seigneur Jésus-Christ est en chacun de ses pauvres, cloué aux mains et aux pieds, entre ciel et terre... Du haut de toutes les croix, s’écoute une voix: "Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font".
DOUZIÈME STATION Jésus meurt sur la croix
Nul n’a plus grand amour que celui de donner sa vie pour ses amis. Les vrais pauvres soutiennent le monde avec leur amour. Aux yeux des hommes sans foi, ils apparaissent comme vaincus; mais ils sont la victoire de l’humanité. Sans ce pauvre cloué sur sa croix, nous serions incapables de lui donner tout son sens au Jésus de Nazareth crucifié. Ce qui fait un homme, ce n'est pas ce qui brille du pouvoir ou de la richesse. Ce qui fait un cœur humain, ce n’est pas non plus le triomphe de l'efficience ou du plaisir. Dans la croix et dans un cri déchirant est l'essentiel, parce que l’amour n’est pas aimé. Au soir de chaque siècle, de chaque année et de chaque jour, la terre se remplit de tristesse avec la plainte du Pauvre: "J’ai soif!". C’est l’appel de Dieu pour que l’homme se fasse homme, en se faisant frère.
TREIZIÈME STATION Jésus est détaché de la croix
Tous nous pouvons faire quelque chose. Mais seuls les pauvres eux-mêmes peuvent descendre des croix de tous les temps. Seuls eux peuvent empêcher qu’ils les clouent aux mains et aux pieds. Seuls eux, les pauvres, peuvent faire qu’il n’y ait plus de soldats qui transpercent avec leurs lances le côté du peuple. Seuls eux peuvent faire que le monde ait un seul calvaire avec une seule croix qui rappelle la victoire de Jésus-Christ. A toi, Joseph d'Arimathie, et tous ceux qui ont un cœur de pauvre, nous vous demandons, avec un profond respect, de détacher les clous, de le libérer de ses attaches, de réconcilier la justice.
QUATORZIÈME STATION Jésus est mis au tombeau et ressuscité
Pauvres du monde, votre vie est cachée en Dieu. Pilates et les siens vous voient ensevelis, mais vous êtes vivants. Jésus-Christ est ressuscité! Que fleurissent les champs pour les paysans qui les travaillent! Et que les mapuches chantent en leur langue la récupération de la terre de leurs ancêtres! Et que chaque pauvre lève sa tête et regarde le Seigneur!... Il est mort pour tous, afin que tous aient la vie. Jésus-Christ est ressuscité! Il va de part le monde joignant les mains de tous les pauvres! Et rompre les chaînes! Amen.
Texte d’Esteban Gumucio ss.cc (Chili) Peinture: www.evangile-peinture.org
Le texte de la "Via Crucis du Pauvre" avec annotations est téléchargeable.
|